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L’expérience est facile. Il suffit de se promener dans quelques quartiers touristiques de Paris ou dans des stations balnéaires pour le vérifier : il existe un art actuel qui n’a rien de commun avec ce qui s’expose dans les biennales et les foires d’art contemporain. Cet art a ses galeries, qui semblent prospères, et ses peintres, qui semblent infatigables. C’est en effet essentiellement de peintures qu’il s’agit, le plus souvent figuratives. Elles se font remarquer par le soin extrême que leurs signataires mettent à les achever et, aussi, par leur quantité. Celle-ci est démultipliée par la reproduction, grâce à ce que le numérique permet désormais aisément. Jadis, c’était par la lithographie.
En dépit du nombre de celles et ceux qu’il concerne (auteurs, diffuseurs, consommateurs), ce secteur n’est pris en considération ni par les musées, ni par la critique et l’histoire de l’art, ni même par la sociologie de l’art. Le grand mérite de l’exposition intitulée « Beaubadugly » est donc son audace : elle s’en va voir de ce côté réputé infréquentable. Une fois de plus, le Musée international des arts modestes (MIAM) de Sète (Hérault) et son fondateur, l’artiste Hervé Di Rosa, osent courir un risque. Le sous-titre, « L’autre histoire de la peinture », l’affirme clairement.
La première partie de l’exposition décrit ce phénomène de la seconde moitié du XXe siècle à aujourd’hui. Avant de s’y engager, il faut renoncer à tout jugement qui serait fondé sur des notions telles que nouveauté, provocation, ironie ou contestation. Celles-ci sont, par définition, impropres, puisque les exigences de cette production sont la reconnaissance immédiate du sujet et le respect des stéréotypes les plus communs.
Deux sujets dominent largement : la figure féminine et le paysage. Pour le premier, les spécialistes se nomment Vladimir Tretchikoff (1913-2006), Margaret Keane (1927-2022), Vera Pegrum (1914-1988), Michel Thomas (1937-2014) ou Charles McPhee (1910-2002). Tretchikoff fut le premier à vendre des reproductions dans les supermarchés, mais cédait ses originaux à des collectionneurs fortunés et fit poser Françoise Hardy. La vie de Keane est devenue le film Big Eyes, de Tim Burton, en 2014 : une amatrice virtuose que son mari, promoteur immobilier, convainc que, femme, elle ne saurait avoir du succès. Il se fait passer pour l’auteur de ces visages aux grands yeux tristes, et l’affaire réussit à tel point qu’en 1965 la vente des reproductions s’élève à plus de 2 millions de dollars en un an.
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